lundi 24 mars 2014

Le parfum de ces livres que nous avons aimés de Will Schwalbe (document)


Will Schwalbe se lance dans un club de lecture avec sa mère qui vient d’apprendre qu’elle souffre d’un cancer du pancréas. Ce sera l’occasion pour la mère et le fils de partager leurs impressions sur ces livres que chacun lira de son côté, plus ou moins en parallèle, de découvrir de nouveaux auteurs, de se replonger dans des livres qu’ils ont aimés, d’évoquer des livres qui ont marqué leur enfance, et tout simplement d’être plus proche l’un de l’autre.

J’étais conquise avant même de lire le livre : pour une fervente lectrice, qui trouve beaucoup de plaisir, de réconfort et d’intérêts dans la lecture, je ne pouvais qu’être emballée par un livre qui allait me parler de livres. C’est un livre qui donne envie de réhabiliter la question « quel livre lis-tu en ce moment ? » (au lieu des sempiternels « quel film as-tu vu ? » ou « où pars-tu en vacances ? »).

Au-delà des livres évoqués et de l’envie de les découvrir, « le parfum de ces livres que nous avons aimés » est aussi une merveilleuse leçon de vie, quelle femme, Mary-Ann Schwalbe, quelle force et quelle détermination ! Une femme active qui était une pionnière à son époque (peu de femmes travaillaient par choix dans les années 60) et qui a inspiré de nombreuses autres femmes et jeunes filles. Aussi et surtout un fervent défenseur des droits humains, des réfugiés en particulier.

Le titre du livre fait aussi partie de ses attraits. Il était difficile à traduire de l’anglais vers le français (« the end of your life book club », quelque chose comme le club de lecture de la fin de ta vie) et le titre choisi évoque nécessairement l’amour qui est immense entre la mère et son fils (amour exacerbé par la maladie de Mary-Ann). En français, quel joli titre, doux, nostalgique et plein d’amour ; amour filial et amour des livres.

Je sais que c’est un livre dans lequel j’aurai plaisir à replonger, quand je serai en quête de nouvelles lectures, si un proche est malade et que je ne sais comment aborder cette situation délicate ou si je veux trouver de bonnes raisons de me motiver pour me lancer dans des actions solidaires. C’est un livre plein de vie et d’optimisme !

mercredi 12 mars 2014

Rendez-vous avec Lucian Freud de Georgie Greig (Document)

L’auteur, journaliste, a côtoyé Lucian Freud pendant de nombreuses années et le retrouvait régulièrement au « Clarck’s » pour petit-déjeuner. Le livre contient des extraits de leurs conversations et aussi de nombreux témoignages de l’entourage de Lucian. On sent une grande bienveillance de la part de l’auteur, mais il n’a pas cherché pour autant à masquer les zones d’ombre du personnage, et celles-ci étaient nombreuses : « et il laissait des victimes sur son passage : maîtresses abandonnées, enfants blessés, lettres laissées sans réponses ou réponses d’une grossièreté stupéfiante, dettes impayées, échange d’insultes. Sa règle, ou plutôt son absence de règles, consistait à dire ce qu’il voulait, poursuivant son art et son plaisir quel qu’en soit le coût, sans jamais faire de compromis » ; « On l’a accusé d’infidélité, de cruauté et d’absentéisme paternel, cependant en dépit d’une conduite d’un égoïsme parfois provocant, une partie de ses enfants et de ses maîtresses, continuent à défendre l’indéfendable. »

Ce livre est une très intéressante biographie d’un peintre finalement peu et mal connu en France. Et pourtant, quel homme, admirable par certains côtés et détestable par d’autres. Un grand peintre et un homme à la personnalité forte, petit fils du grand Sigmund Freud. Lucian quittera l’Allemagne pendant la guerre et sera ensuite naturalisé anglais. Un homme discret mais qui aura une vie folle et sera parfois poursuivi par les paparazzis (dont il n’hésitera pas à remettre les idées en place). Un bel homme, et charmant de surcroît, qui connaitra de nombreuses aventures, jusqu’au seuil de sa vie. Capable du meilleur comme du pire. Père de 14 enfants (ou plus !), mais il ne sera pas père dans le sens classique du terme. Ses enfants poseront pour lui, parfois nus. Il se brouillera facilement avec son entourage et le chapitre consacré à sa fille ainée Annie, montre la bonté mais aussi la cruauté de ce père atypique. Il ne pardonne pas, considère qu’il a toujours raison, les autres tort, et n’hésitera donc pas à se brouiller avec de nombreuses personnes.

Voici un passage qui résume bien le personnage : « sa vie était un vrai film : toujours des bagarres, pas une parole ennuyeuse, un art qui serait éternel, des femmes et des personnages formidables, toujours plein d’enfants. Même les mauvais moments avaient l’air bien. Il m’a raconté qu’il s’était disputé avec Francis Bacon pour avoir cassé la figure à un de ses petits amis qui attaquait Francis. C’était une vie magnifique. »

Yeruldgelgger de Ian Manook (Polar)

« Yeruldelgger », un mot dont le sens n’apparait pas de manière aisée, on se demande si c’est un nom de lieu, de personne… il s’agit en fait d’un commissaire mongol qui va devoir enquêter sur plusieurs meurtres particulièrement sordides. Il y a le meurtre des Chinois et de deux escort girls, mis en scène de manière atroce. Il y a une petite fille déterrée avec son tricycle des années après sa mort, et puis Yeruldelgger doit aussi surmonter la disparition de sa plus jeune fille, Kushi, assassinée dans des circonstances non élucidées.

Nous voilà plongés dans un environnement plutôt méconnu en France, le Mongolie d’hier et d’aujourd’hui, sa culture ancestrale, mais aussi la perte de cette culture dans un pays qui s’est rapidement occidentalisé. On découvre les laissés pour compte d’Oulan Bator, vivant dans les sous-sols obscures, près des tuyaux transportant l’eau chaude, mais on découvre aussi la steppe et ses fougueux chevaux mongols, la sagesse des vieilles gens, les traditions liées aux déplacements, au nomadisme (comment bénir la personne qui prend la route, dans quel sens tourner dans une yourte, entre autres).

Je me suis attachée aux personnages principaux - ceux qui recherchent la vérité - des personnalités fortes, dont Yeruldelgger, un homme brisé certes, mais qui retrouvera sa force au cours de ce périple meurtrier. Par contre, je me suis un peu perdue dans les intrigues, en particulier celle qui concerne les Chinois, et qui m’a semblé peut-être moins chargée émotionnellement et puis, il y a un peu trop de surenchère meurtrière à mon goût. J’ai trouvé le livre un peu long à lire, certains passages étaient peut-être de trop. Ceci étant dit, il y a des passages très réussis – pour n’en citer qu’un, le passage où l’un des protagonistes doit faire face à une de ses pires peurs, entouré de serpents, dans un lieu clos et au cœur de la nuit.

Une sainte d'Emilie de Turckheim (Roman)

C’est l’histoire assez particulière d’une femme, jamais nommée, qui est appelée « l’héroïne » et qui dès la première ligne du roman nous annonce que « très tôt, elle sut qu’elle serait sainte ». Ce sera une sainte décidément atypique, qui d’un côté vole sa mère, mais prend soin d’elle ; visite un homme en prison et souhaitera, après sa libération, l’y faire retourner.

C’est un livre qui me laisse un peu dubitative. J’en ai apprécié le côté atypique et le travail des mots ; il y a une vraie poésie qui s’en dégage, mais j’ai eu un peu de mal à trouver une ligne conductrice, un fil rouge. Les personnages sont pétris de contradictions, mais semblent ne pas s’en rendre compte. Le style est très métaphorique et les côtés surréalistes m’ont gênée. J’avoue apprécier un style plus réaliste.

Sur le travail des mots, j’ai apprécié les réflexions empreintes de poésie comme (page 77) « je ne passerai pas ma vie avec cette vie », ou page 52 « Un jour je sortirai de la prison avec ton effondrement et tu resteras enfermé avec ma joie ». Le style surréaliste que je n’ai pas toujours apprécié, m’a parfois agréablement surprise comme ici, page 179 « le vieux s’est cogné contre son propre cœur battant, qu’une infirmière a pendu à un fil, pour l’aérer ». L’univers de la prison au travers de ses cloisons, clés, cliquetis et horaires fixes, qui est une litanie perpétuelle et qui revient régulièrement au cours du récit, est très bien vu (faut-il préciser que l’auteur a été visiteuse de prison).

Globalement, je trouve que c’est une œuvre bien écrite et atypique, mais qui n’est pas vraiment mon style.