dimanche 23 février 2014

Comme les amours de Javier Marias (Roman)

Maria Dolz, éditrice madrilène, observe chaque matin un couple qui la fascine à la terrasse du café où elle prend son petit déjeuner. Ils sont rayonnants et irradient de bonheur. Fascinants donc. Puis un jour elle ne les voit plus et finit par apprendre que le mari a été sauvagement assassiné. Elle va alors se rapprocher un peu de la femme du défunt et de son meilleur ami Miguel. Petit à petit, presque imperceptiblement, le roman se transforme en une sorte de thriller, sans qu’on ne l’ait vu venir. Et pourtant l’histoire semble toujours rester secondaire. Ce qui importe le plus c’est de réfléchir, à la mort entre autres sujets.

Assez souvent, ce livre m’a semblé un peu trop intellectuel. Je suis très attachée à l’histoire et celle-ci se déroule si lentement que j’en ai ressenti de la frustration. Car l’histoire n’est pas le nœud du livre, mais bien un prétexte à réflexions. Le sujet de la mort est bien entendu omniprésent et j’ai aimé les passages où Luisa – la femme du défunt – « déballe » à Maria l’horreur et la solitude du deuil. Page 78 « il est un autre inconvénient à pâtir d’un malheur : pour qui l’éprouve, ses effets durent beaucoup plus que ne dure la patience des êtres disposés à l’écouter et à l’accompagner, l’inconditionnalité qui se teinte de monotonie ne résiste guère. Et ainsi, tôt ou tard, la personne triste reste seule alors qu’elle n’a pas encore terminé son deuil ou qu’on ne la laisse plus parler de ce qui est encore son seul monde, parce que ce monde d’angoisse finit par être insupportable et qu’il fait fuir ».

L’auteur semble nous donner son point de vue, page 25 « et ce qui se passe dans les romans est sans importance, on l’oublie une fois qu’ils sont finis. Ce sont les possibilités et les idées qu’ils nous inoculent et nous apportent à travers leurs cas imaginaires qui sont intéressantes, on s’en souvient plus nettement que des événements bien réels et on en tient compte ». Est-ce par hasard que l’auteur a choisi de donner à son personnage principal le travail d’éditrice ? Est-ce qu’il se moque de lui-même ou d’auteurs qu’il connait quand il fait le portrait d’hommes imbus de leur personne et pas toujours brillants bien qu’édités ? Quel est le rapport de chacun à la mort ? De nombreuses questions sont soulevées ici et libre au lecteur d’essayer d’y répondre.

Je suis interdite de Anouk Markovits (Roman)

Il s’agit d’une saga assez austère où l’on suit le destin de trois juifs élevés dans un courant fondamentaliste très strict : Joseph a vu ses parents et sa petite sœur tués devant ses yeux en 1939 en Transylvanie, Mila a aussi perdu ses parents pendant la guerre et a été recueillie chez les Stern à Paris. Elle sera élevée en même temps qu’Atara qui deviendra très vite comme une sœur pour elle. Joseph sera lui envoyé aux Etats-Unis pour vivre près du Rebbe (grand Rabbin du courant qu’ils suivent). Et l’on suit la petite histoire des personnages et l’Histoire avec un grand H car la fuite du Rebbe qui a réussi à rejoindre les Etats-Unis pendant la guerre est entachée de soupçons. Il aurait peut-être laissé beaucoup de juifs mourir pour sauver sa peau. Cela, on l’apprend petit à petit et dans le monde où Mila et Atara vivent, il est très difficile d’obtenir des informations car on ne peut pas lire les journaux, on ne peut pas regarder la télévision, écouter la radio. Il n’est d’ailleurs pas permis de communiquer avec qui que ce soit qui n’appartient pas à la communauté. Le mot « interdit » est un mot qui revient tout le temps et il y a une scène terrible quand après avoir fait du vélo un jour de Sabbat, Mila et Atara sont sévèrement réprimandées. L’une n’aura alors de cesse de questionner cette éducation où tout ou presque est interdit, l’autre ne la remettra pas en question.

C’est un livre qui nous fait découvrir un monde inconnu, qui nous permet d’effectuer une vraie plongée dans une communauté au mode de vie extrêmement éloigné du mode de vie occidental. Ce monde a un côté très oppressant pour qui connait la liberté de penser, de se mouvoir et la liberté d’expression. Lorsque l’une des deux amies souhaite étudier, on lui fait clairement comprendre que cela n’est pas de l’ordre du possible. Il est difficile de ne pas s’identifier à elle, à sa souffrance. On ne voit pas que les côtés négatifs de cette communauté, mais ses côtés négatifs sont si extrêmes qu’on a du mal à voir le positif. Il y a pourtant le travail, l’étude (de la religion uniquement), la solidarité familiale, mais ils sont écrasés par les « interdits ». Dans un tel contexte, les sentiments sont forcément exacerbés et les destins marqués, il est alors émouvant de suivre les personnages depuis leur plus jeune âge jusqu’au seuil de leur vie. C’est une saga captivante, par le monde qu’elle nous fait découvrir et l’enchevêtrement des histoires personnelles et de la grande histoire.

Par le feu de Jane Casey (Polar)

A Londres, un serial killer s’attaque aux jeunes femmes rentrant seules chez elles en fin de soirée. Particulièrement brutal, il les neutralise grâce à son Taser, les bat et les enflamme, ne leur laissant aucune chance… Rebecca Haworth semble être la dernière victime de celui qu’on appelle le « Crémateur ». Pourtant, le mode opératoire semble un peu différent cette fois-ci. La jeune Maeve Kerrigan va devoir enquêter.

Je trouve que globalement le roman tient la route et nous tient en haleine. Le ton est donné en tout début de roman, quand la jeune Kelly se retrouve, à moitié saoule dans la voiture d’un inconnu et qu’elle dessaoule d’un coup en se disant qu’elle est certainement embarquée avec le Serial Killer. Mais est-ce vraiment le cas ? La vérité n’est pas toujours celle que l’on croit.

L’enquête sur Rebecca Haworth nous révèle une jeune femme jolie, brillante, entourée d’amis ; et sa meilleure amie, Louise, est bouleversée par sa mort. J’ai apprécié de voir dévoiler la personnalité de Rebecca, l’enquête dans son entourage est bien menée ; on découvre petit à petit sa personnalité avec ses zones d’ombre. Le fait que son amie Louise change complètement à la mort de son amie : qu’elle se décide enfin à faire des choses qu’elle n’arrivait pas à faire jusque là me parait très réaliste. C’est comme si elle avait subi un électrochoc. Le fait qu’elle se rapproche de l’ex petit ami de Rebecca tout en se disant au fond d’elle-même qu’il est dangereux est aussi très intéressant.

C’est un roman qui parlera, je pense, aux trentenaires en proie aux interrogations personnelles. Que ce soit l’inspectrice ou Rebecca et Louise, toutes trois font face aux mêmes problématiques : quelle est la place à accorder à son travail, quelle est la place qui revient aux relations amoureuses, comment trouver un équilibre entre les deux, quelles sont nos propres priorités.